Après Ghazi Chaouachi il y a quelques semaines, le président de la République, Kaïs Saïed, s'est attaqué à une autre personnalité politique en la personne du président de Afek Tounes, Fadhel Abdelkefi. Le chef de l'Etat a fait preuve de beaucoup de légèreté en s'en prenant à l'ancien ministre en le traitant de voleur, en insinuant que c'est un corrompu et en déplorant le fait que la justice l'ait innocenté. Conséquence immédiate : les fanatisés du président de la République, les « mouches jaunes » s'en prennent depuis les déclarations présidentielles à Fadhel Abdelkefi le qualifiant de tous les noms. Ils font leur « boulot » comme ils l'ont fait avec Ghazi Chaouachi, avec Iyadh Ben Achour et toute autre voix qui ose dire que leur maître-à-penser a tort.
En fait, à bien y réfléchir, il est normal et logique que Kaïs Saïed soit tellement agacé par Fadhel Abdelkefi et tout ce qu'il représente, car c'est sa parfaite antithèse. Kaïs Saïed vit dans le monde du symbolisme, des grandes phrases et des représentations parfois très anciennes quand il invoque, par exemple, Omar Ibn Al Khattab en tant que gouverneur juste. Le président de la République abreuve le pays, et principalement ses soutiens, de paroles et de promesses. Il porte le populisme au rang de politique d'Etat et ne cesse de diviser le peuple entre justes et traitres, entre intègres et corrompus. Il semble qu'il n'ait pas encore pris conscience de la dimension présidentielle de ses actes et de ses propos, et ses soutiens tentent de nous présenter cela en tant que gage de transparence et d'honnêteté. De l'autre côté, Fadhel Abdelkefi représente un certain pragmatisme aux antipodes du populisme. L'ancien ministre aborde les problèmes de la Tunisie avec une vision globale et surtout avec des solutions, chose assez rare pour être signalée. Il a le mérite de ne pas tomber dans le pessimisme et de proposer des pistes pour tenter de sortir de la crise. Il propose par exemple de redéfinir le rôle de l'Etat dans l'économie. Une question dont nous fuyons collectivement la réponse depuis plus d'une décennie. Le président de Afek Tounes porte un projet pour solutionner des problèmes bien réels comme la pauvreté ou le chômage. Kaïs Saïed, lui, n'a de projet que pour s'en prendre à ses adversaires politiques et n'a aucune vision pour le pays. Quand Kaïs Saïed évoque des sociétés citoyennes et de supposés milliards volés à l'étranger, Fadhel Abdelkefi parle de travail, de création de richesses et de rôle de l'Etat. Lui qui ne fait pas la différence entre million et milliard, qui croyait pouvoir réguler les prix sur les marchés en faisant des descentes et qui ne sait pas par quel bout prendre le dossier du FMI, ne peut qu'être agacé par une compétence économique comme Fadhel Abdelkefi.
Mais cela ne suffit pas à expliquer l'attaque-surprise du président de la République contre le président de Afek Tounes. Kaïs Saïed a dit que les médias présentaient Fadhel Abdelkefi comme un sauveur pour la Tunisie. Là, c'en est trop pour le président. Ce rôle-là, cette appellation-là, il la veut pour lui et rien que pour lui. Que ce soit Fadhel Abdelkefi ou toute autre personnalité politique, Kaïs Saïed ne supportera pas qu'un autre que lui soit présenté de la sorte. Le pire, c'est que personne n'a dit que Fadhel Abdelkefi avait des solutions magiques pour la Tunisie ni ne l'a présenté comme un sauveur, c'est le président qui l'a perçu ainsi en mettant en cause les médias. Le chef de l'Etat ne supportera aucune concurrence dans le c'ur des Tunisiens et tout ce qui peut ressembler à une alternative viable à son pouvoir sera confronté avec la plus grande sévérité. Mais Kaïs Saïed déteste Fadhel Abdelkefi à cause de sa famille. Les oncles de Fadhel Abdelkefi sont les Ben Achour, à qui Kaïs Saïed en veut personnellement. Il voit en eux, et donc en Fadhel Abdelkefi, ces Tunisois qui maltraitent les fils du bon peuple comme lui. Ce sont cette caste hautaine qui maîtrise les rouages et qui s'oppose à toute réussite qui ne soit pas issue de leur rang. Pour le président, ce sont de riches parvenus tandis que lui représente les opprimés et les pauvres. Pour Kaïs Saïed, ces gens-là sont la cause de toutes les corruptions, de toutes les félonies, contre, évidemment, la pureté et la propreté du bon peuple.
Mais finalement, Kaïs Saïed manque d'arguments en s'en prenant à Fadhel Abdelkefi, ce qui l'a obligé à s'énerver et à s'en prendre à la justice qui l'a innocenté. L'ancien ministre est le seul à avoir démissionné de son poste pour comparaitre devant la justice et être lavé de tout soupçon. Il est le président de Afek Tounes après une transition démocratique avec son prédécesseur. Il bénéficie du respect d'une grande partie de la scène politique tunisienne, à tel point qu'il avait été proposé au poste de chef du gouvernement à ce même président de la République. Donc pour l'attaquer, il fallait le salir.
Que de tels propos viennent de la part d'un président de la République est en soi un motif de tristesse. Quand ces propos sont en plus diffamatoires et objectivement faux, cela devient une épreuve. Pendant ce temps-là, le pays sombre dans la misère, l'inflation est en hausse, la pauvreté et le chômage lui emboitent le pas. La Tunisie n'a ni le temps, ni la force de supporter une telle situation pendant que le président de la République mène ses petites croisades personnelles.
Posté Le : 08/12/2021
Posté par : infos-tunisie
Source : www.businessnews.com.tn