Deux jours après l'agression sauvage dont a été victime la députée Abir Moussi, le parquet n'a toujours pas réagi pour enclencher une quelconque procédure judiciaire à l'encontre de ses deux agresseurs. Cela n'a rien d'une première. Retour sur ces députés qui violent allègrement la loi et échappent à la justice.
« Si un député se prévaut par écrit de son immunité pénale, il ne peut être ni poursuivi, ni arrêté durant son mandat, dans le cadre d'une accusation pénale, tant que son immunité n'a pas été levée. » Le premier paragraphe de l'article 69 de la Constitution tunisienne est clair.
En dépit de sa clarté, on ne voit pas de poursuites pénales contre les députés accusés de divers crimes et délits. Ils sont pourtant nombreux et échappent tous à la justice en évoquant cet article.
Théoriquement, et si l'on devait appliquer à la lettre cet article 69 de la constitution, le parquet aurait dû réagir suite aux multiples plaintes contre les députés qu'il a reçues ou suite aux délits commis en flagrant délit. Le deuxième paragraphe de cet article 69 est aussi clair que le premier. Il dit : « Toutefois, en cas de flagrant délit, il peut être procédé à son arrestation, le Président de l'Assemblée est informé sans délai et il est mis fin à la détention si le bureau de l'Assemblée le requiert ». Mais le parquet du Tribunal de première instance de Tunis évite d'appliquer cet article 69, sans même que les députés impliqués n'aient à invoquer leur immunité et sans même que la présidence du parlement ne soit saisie.
Et c'est là le plus grand mal qui frappe le parlement et la justice de Tunisie, car cela offre une impunité certaine à des députés voyous qui, sûrs de ne pas devoir rendre des comptes, font ce qu'ils veulent. Voici une liste non exhaustive.
Sahbi Smara : Le député indépendant (ex Karama) a agressé physiquement la députée Abir Moussi le 30 juin 2021. Le parquet n'a toujours pas réagi à la date du 2 juillet.
Seïf Eddine Makhlouf :
- Le député islamiste radical a agressé physiquement la députée Abir Moussi le 30 juin 2021. Le parquet n'a toujours pas réagi à la date du 2 juillet.
- Il a agressé verbalement à plusieurs reprises Abir Moussi et il a fait l'objet de plaintes au pénal de sa part. Soit il n'a pas été convoqué pour être auditionné par le parquet, soit il n'a pas répondu aux convocations.
- Il a été cité à comparaitre devant le parquet suite à l'attaque de l'aéroport le 15 mars dernier. Il n'a pas répondu à la convocation. Pourtant, le chef du gouvernement lui-même a promis une suite judiciaire à cette affaire. Ce jour là, Seïf Eddine Makhlouf a attaqué les agents de la police des frontières dans une tentative de faire voyager de force une dame fichée par la police pour suspicion dans une affaire terroriste.
- Il a été condamné à 20 mois de prison ferme le 13 décembre 2019 en première instance dans l'affaire de Regueb. Il a fait opposition à la sentence et on attend encore la tenue de son procès plus d'un an et demi après. Il a injurié, dans une vidéo enregistrée en février 2019, le procureur de la République de Sidi Bouzid suite à une instruction judiciaire qu'il a ouverte à propos d'une école coranique à Regueb qui a enregistré des sévices sexuels contre des enfants.
- Il a fait l'objet d'un redressement fiscal en août 2018 pour un montant de 260 mille dinars. A ce jour, on ignore s'il a payé ce montant ou pas et si l'administration fiscale a décidé d'effacer l'ardoise ou pas.
Abdellatif Aloui : Le député islamiste radical d'Al Karama a été cité à comparaitre devant le parquet suite à l'attaque de l'aéroport le 15 mars dernier. Il n'a pas répondu à la convocation.
Maher Zid :
- Le député islamiste radical d'Al Karama a été condamné le 20 janvier 2017 à quatre ans de prison ferme pour avoir subtilisé des documents, relatifs à l'affaire Chokri Belaïd, du secrétariat du tribunal. Il s'est pourvu en appel et on attend encore le procès, plus de quatre ans après.
- Il a été condamné à deux ans de prison ferme par contumace, le 9 mai 2018 pour insultes envers le président de la République défunt Béji Caïd Essebsi. Il a été libéré le lendemain suite à son opposition. L'affaire est oubliée depuis.
- Il a bénéficié d'un non-lieu le 5 février 2018 dans plusieurs affaires déposées contre lui par l'ancien ministre de l'Intérieur Lotfi Braham. Pourtant, les faits qui lui ont été reprochés étaient graves et documentés.
- Il est également poursuivi pour diffamation et propagation de fausses informations par plusieuers personnes dont l'ancien ministre de la Justice et de la Défense, Ghazi Jeribi.
Saïd Jaziri :
- Le député islamiste radical d'Errahma fait l'objet de plusieurs plaintes de la part de plusieurs membres de la Haute autorité indépendante pour la communication audiovisuelle. Il les a injuriés et insultés sur antenne à plusieurs reprises. Outre les injures, les insultes et la diffamation, les membres de la Haica l'accusent d'incitation à la haine. Toutes les plaintes à son encontre dorment encore dans les tiroirs. En revanche, quand c'est Saïd Jaziri qui dépose plainte contre les membres de la Haica, le parquet réagit rapidement et convoque les prévenus pour les auditionner.
- Alors que la loi est claire et qu'aucune radio n'a le droit d'émettre sans une licence exclusivement octroyée par la Haica, une cour de justice autorise en décembre 2017 sa radio pirate du « Saint Coran » de continuer à diffuser ses émissions. Les avocats ont alors intimidé le juge en lui disant qu'il ne pouvait pas arrêter la parole de Dieu pour défaut de visa de la part d'une autorité impie.
Rached Khiari :
- Le député islamiste radical (Ex Karama) a été condamné le 30 décembre 2019 à six mois de prison avec sursis et trois mille dinars d'amende. Il s'est pourvu en appel et le procès n'a toujours pas eu lieu plus d'un an et demi après.
- Il fait l'objet d'un mandat d'amener depuis le 22 avril 2021 suite à une plainte déposée contre lui par le président de la République Kaïs Saïed. Il sait qu'il ne risque pas d'être attrapé grâce à l'assurance que lui a donnée le chef du gouvernement et ministre de l'Intérieur Hichem Mechichi.
- Il publie depuis plusieurs semaines des vidéos et des scandales sexuels affligeants touchant l'honneur et la réputation du député indépendant Fayçal Tebbini. Aucune poursuite judiciaire en dépit de la gravité des publications.
- Il justifiait en octobre 2010 l'assassinat terroriste du professeur français Samuel Paty en déclarant « Porter atteinte au prophète est l'un des plus grands crimes et celui qui l'ose doit assumer ses conséquences, qu'il soit Etat, individu ou groupe ». Aucune poursuite judiciaire à son encontre, et donc ni de demande de levée d'immunité parlementaire par le parquet ou par un juge d'instruction.
Arwa Ben Abbes : La députée islamiste d'Ennahdha a reçu en avril dernier un vaccin anti-covid clandestinement sans qu'elle n'en ait le droit. Aucune poursuite judiciaire quant à ce népotisme pourtant puni par la loi en pénal. La députée s'est suffi, ainsi que son parti, d'un communiqué d'excuses.
Posté par : infos-tunisie
Source : www.businessnews.com.tn