Gafsa

Saïed et les arcanes des faits alternatifs


2022 tire sa révérence. C'était une année exténuante, vraiment éreintante. On espère, bien évidemment, que celle qui arrive puisse être meilleure. On aimerait vous dire que cette polycrise que nous traversons serait résolue. Mais tous les indicateurs tendent vers une aggravation de la situation. Triste constat en cette fin d'année où l'on éprouve naturellement le besoin de festoyer et d'oublier les soucis pour commencer une nouvelle étape dans l'optimisme.Nous avons un président de la République qui est censé avoir accaparé les pouvoirs pour nous mener vers le bon port. Nous avons un président de la République qui, pourtant, ne fait que distiller un climat de haine et d'appréhension, qui ne propose pas de solution et qui, au contraire, accentue l'instabilité. C'est que les faits sont têtus et le constat est cruel. Rien ne va plus. Ce n'est certainement pas le dernier discours anxiogène du chef de l'Etat qui viendrait arranger les choses.

Transi de colère et non pas d'amour pour une majorité des citoyens de la République, le président : les yeux enflammés, le visage transfiguré, le poing frappeur et l'index accusateur, avait éructé ses incriminations face à un comité de hauts dignitaires aux mines qui n'augurent rien de bon. Le coup de sang présidentiel survient au moment où les acteurs de la scène politique s'organisent pour une sortie de crise, où les quelques médias qui osent encore dire les choses comme elles le sont vraiment, ne cessent d'épingler les travers du régime et de son chef.
Calmez le jeu, faire preuve de sagesse, concéder l'échec, dialoguer' ' Non, ce n'est pas le genre de la maison. L'empereur contre-attaque violemment en dézinguant tous ses opposants et critiques et au passage instille, ça et là, mine de rien, des contre-vérités. Il sait que ses suiveurs sont très réceptifs aux théories laissant entendre des complots ourdis par une nébuleuse dont le seul but est de l'empêcher d'atteindre les sommets stratosphériques. Il alimente le sentiment de suspicion et de paranoïa d'un peuple désabusé, déboussolé. Un peuple qui veut croire ce qu'on lui raconte pour expliquer la perte de contrôle sur sa destinée.
La forte prévalence de la composante paranoïaque dans le discours colérique/messianique du président est pourtant facilement identifiable. Il n'y a que les 8,8% ou 11% qui détiennent la « véritude », le reste ce ne sont que des traitres, des vendus, des sous-citoyens qui méritent le châtiment.

Les faits sont têtus même s'ils sont presque toujours interprétés et contestés. Toutefois, dans le cas d'espèce on assiste à l'épanouissement du concept des faits alternatifs. L'expression est entrée dans les usages par le biais de l'administration trumpiste et voilà que notre président excelle dans l'exercice.
Trois faits : le drame de Zarzis, la rumeur sur le don britannique aux médias et l'affaire d'un commerçant à Gafsa relâché par le juge.
-100 millions distribués dans le cadre d'un grand plan pour envenimer la situation à Zarzis, selon les dires du président. 100 millions générés par une collecte de fonds pour aider à la recherche des disparus, répondent les intervenants preuves à l'appui.
-Les cadavres des migrants ont été déterrés sciemment toujours pour envenimer les choses, d'après le président. Les corps ont été exhumés sur demande des parents des victimes par les autorités pour entreprendre l'indentification ADN, répondent les concernés.
-La main tremblotant de colère, le président tient une liste, celle de journalistes accusés d'avoir perçu un financement britannique. Ces journalistes dont il ne prononce pas le nom, mais qu'il pointe comme virulents à son égard, sont calomniés, abjurés, leur probité remise en cause devant toute une nation. Le fait est que cette liste n'est autre qu'une rumeur facebookienne et une affaire montée de toute pièces autour de l'année 2017. Elle a été démentie preuves à l'appui à plusieurs occasions et son auteur a été démasqué et traduit en justice en avouant l'intox.
-Un commerçant à Gafsa qui a monopolisé des marchandises d'une valeur de 300 mille dinars, libéré par le juge et sa marchandise restituée, a dénoncé le président. Le juge en a pris pour son grade. Il y en a ceux qui ont vérifié auprès des intervenants et il s'avère que le commerçant a pu récupérer sa marchandise parce qu'il avait toutes ses factures en règle et que son seul tort, pour lequel il a écopé d'une amende, est qu'il ait stocké la marchandise dans un entrepôt non déclaré.
Le chef de l'Etat a raconté sa version de ces trois histoires et celle-ci nous démontre qu'il nous fait entrer dans l'ère post-vérité de plain-pied.

L'année qui se présente s'annonce sous des auspices inquiétants sur les plans économique, social et politique. La fuite en arrière du chef (pour reprendre l'expression du grand Zied Krichen) n'arrange en rien les choses. Des contours orwelliens se dessinent en filigrane.
Je souhaite à nos lecteurs la force de la patience et de la résilience. Les ténèbres se dissiperont tôt ou tard. Bonne année à toutes et à tous.
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