Les arrestations politiques suscitent plusieurs interrogations. Certaines sont difficiles à comprendre, d'autres, complètement grotesques. Il est clair qu'au lieu de dialoguer avec les perturbateurs avec force d'arguments, le pouvoir préfère les faire taire en les plaçant à l'ombre. Mais s'il y a une arrestation qui ne laisse plus aucune place au doute, c'est sans conteste celle d'Abir Moussi. Pourquoi cela '
La présidente du PDL ' parti destourien libre ' est en détention depuis le 3 octobre dernier. Procédurale jusqu'à la moelle, Abir Moussi avait été arrêtée devant le palais de Carthage alors qu'elle tentait de déposer, au bureau d'ordre, une demande pour le recours intenté contre les décrets de convocation des électeurs. Rien de bien méchant en apparence. Sauf qu'on refuse d'abord d'accepter sa demande avant de l'arrêter. Une cinquantaine d'agents a été « nécessaire » pour l'opération. Mme Moussi a été accusée d'entrave à la liberté du travail pour avoir fait son show habituel et filmé en live le refus qu'on avait opposé à sa demande.
D'abord, trois chefs d'accusation : « traitement des données à caractère personnel sans l'autorisation de la personne concernée », « entrave à la liberté du travail » et « attentat ayant pour but de provoquer le désordre » qui sont ensuite devenus « attentat ayant pour but de changer la forme du gouvernement ». Une accusation passible de la peine de mort d'après l'article 72 du code pénal.
« Grotesque ! » ne cessent de dénoncer ses avocats pointant du doigt les aberrations du dossier et les nombreuses erreurs procédurales. Cette arrestation n'a pourtant pas été franchement dénoncée par les autres acteurs de la scène politique. Le Front de salut s'est montré timide en préférant ne pas franchement condamner. Difficile de leur en vouloir, la dirigeante destourienne n'est pas vraiment connue pour sa franche camaraderie avec ses acolytes de la scène politique.
Clivante à souhait, Moussi est loin de susciter la sympathie autour d'elle. Pourtant, même si peu de personnes ' en dehors de ses proches ' dénoncent sa détention, son arrestation est tout ce qu'il y a de plus grotesque, encore plus les conditions dans lesquelles elle serait détenue aujourd'hui. « Je suis malade au point de ne plus pouvoir marcher », a-t-elle écrit dans une lettre le 20 novembre.
Le seul danger que Moussi représente aujourd'hui, c'est d'être une rivale sérieuse au chef de l'Etat. Après l'effritement de la classe politique, force est de reconnaitre que seule Abir Moussi a su se maintenir en tête des sondages comme alternative à Kaïs Saïed. Indépendamment du contenu de son programme et de ses déboires dans la défunte ARP, Moussi demeure une candidate sérieuse à Kaïs Saïed.
Si on avait des questionnements sur les motivations derrière l'emprisonnement à la pelle des opposants politiques, l'arrestation d'Abir Moussi, elle, n'en laisse que peu. Après les accusations d'intelligence avec des parties étrangères, de complot contre la sûreté de l'Etat, etc. voilà qu'on y incorpore un simple dépôt de demande dans un bureau d'ordre. Encore plus si on se fie aux conditions de détention dans lesquelles elle est placée depuis des semaines.
Dans une lettre rendue publique hier, Moussi dénonce « un danger pour sa santé » et des conditions de détention inhumaines. Ses enfants n'ont pas été autorisés à lui rendre visite directement et elle a été privée de son traitement médical.
Qu'on soit en désaccord avec Abir Moussi pour ses opinions et sa manière de faire de la politique ne justifie nullement de faire l'impasse sur une détention aussi grossière. Il aura beau clamer haut et fort des valeurs de justice et d'intégrité, le chef de l'Etat s'est largement fourvoyé dans le dossier des prisonniers politiques. Tout prouve aujourd'hui que la dame croupit en prison pour la simple raison de représenter un danger sérieux pour le poste de l'actuel locataire de Carthage. Jamais elle n'aurait été arrêtée si elle n'avait pas représenté une adversaire de taille. C'est d'ailleurs le seul danger qu'elle représente pour l'instant'
Posté Le : 21/11/2023
Posté par : infos-tunisie
Source : www.businessnews.com.tn