Les élèves et les ouvrières agricoles galèrent pour se rendre respectivement à l'école et dans les champsIls ont nombreux à faire, chaque jours, plusieurs kilomètres à pied, pour rejoindre leurs établissements scolaires, le plus souvent dans des condition de misère et de dénuement total. C'est la réalité cruelle des élèves des zones rurales, au demeurant contraints d'accepter une fatalité qu'ils n'ont pas choisie. Avec une misère plus que tenace, les élèves des zones forestières sont les plus confrontés à cette dure réalité de la vie qui rend le savoir hors de portée et, surtout, difficilement accessible tant il nécessite de grands sacrifices. Et pourtant, ils sont nombreux à être sortis de l'ornière et à gravir, non sans labeur et dévouement, les échelons de la misère pour occuper plus tard de hautes fonctions ou responsabilités dans les administrations ou les entreprises nationales ou autres.
Il faut, d'ailleurs, se rendre dans la région du Kef pour se rendre de cette évidence qui rend superflu tout commentaire. Si, en effet, certains enfants peuvent emprunter le bus le matin, d'autres sont, au contraire, obligés de faire un long trajet à pied pour rejoindre les bancs de leurs écoles. Ils le font aussi dans des conditions difficiles quand la nature est capricieuse et que le temps est maussade et peu clément à la promenade dans ces régions où l'hiver toujours rigoureux, dure souvent quatre mois. Allala, un homme qui a dépassé la quarantaine, habite dans la région de Sfaya dans la délégation frontalière de Sakiet Sidi Youssef. L'école de la localité ayant fermé ses portes, il y a deux ans, faute d'effectifs élèves, il a du transférer ses deux enfants dans l'école de la ville de Sakiet à plusieurs encablures de son domicile. Il nous exprime avec un ton empreint de tristesse profonde toutes les misères qu'il endure chaque jour pour s'acquitter de cette besogne imprévue qui l'a poussé à accompagner chaque jour ses deux enfants à l'école de la ville
Des kilomètres à pied dans le froid
A peine a-t-il les moyens de subvenir aux besoins de sa famille qu'il se trouve contraint de débourser plus d'argent pour payer d'autres charges nullement prévues dans le budget familial. D'autres enfants de la localité ont, raconte-t-il, subi le même sort, tout comme pour les élèves de oued Zitoun et Fatana, qui sont dans le même pétrin. Faute d'argent pour emprunter le transport rural, ils sont obligés de faire, matin et soir, le trajet de l'école à pied, le peur au ventre, avec les chacals plus affamés sur les routes et le terrorisme qui peut inquiéter tout le monde.
La situation n'est guère reluisante pour les femmes paysannes qui sont à leur tour, forcées de composer avec la misère du temps pour se rendre dans les champs, ou encore dans les oliveraies pour une journée de travail qui leur rapportera une somme d'argent modique mais combien utile pour leurs ménages. Elles sont contraintes d'emprunter, dans le meilleur des cas, des camionnettes recouvertes ou non de bâches pour rejoindre leur travail. Elles sont des milliers, nous confie un responsable des services sociaux de la région qui précise qu'aucune statistique exacte n'est établie par les services de ce département sur le nombre de femmes travaillant dans le secteur agricole dans la région, même si les lois ont changé ces derniers jours pour autoriser les louages, les propriétaires de véhicules de transport rural et les bus à transporter les femmes travaillant dans les champs afin de leur garantir de meilleures conditions de déplacement.
Celles-ci quittent, chaque jour, leurs foyers, à l'aube, entassées les unes sur les autres à l'arrière d'une camionnette qui roule souvent à tombeau ouvert, sans se soucier de la sécurité des passagères exposées au froid et prises de nausée à cause de la vitesse. Elles sont déposées dans des champs situés à des kilomètres de chez elles où elles passent la journée entière à trimer, en pensant à leurs enfants qui sont allés à l'école ou encore à leurs maris paresseux ou sans emploi et rechignant à travailler dans les activités agricoles, jugées pénibles.
Avec un pourcentage de 70% du total de la main-d''uvre dans le secteur agricole, les femmes rurales sont exposées au danger de la route chaque jour
La difficulté de se rendre au travail en parcourant entre 5 et 20 km, d'après des études récentes réalisées par le ministère de l'Agriculture, et le manque de contrôle sur les routes pour lutter contre le transport anarchique demeurent encore les principales raisons de la multiplication des accidents de la route et du nombre élevé de décès de beaucoup de femmes rurales au cours de ces dernières années, au point que certaines voix du milieu associatif se sont élevées pour qualifier cette situation de crime à l'égard de la femme rurale même si le travail de la terre représente encore l'une des formes d'autonomisation de l'élément féminin et de la consolidation des sources de revenu de nombreux ménages.
Posté Le : 10/12/2018
Posté par : infos-tunisie
Source : www.lapresse.tn