Tunis - A la une

Pass ou impasse '


Pour ceux qui auraient eu l'audace de l'oublier, c'est grâce à notre président Kaïs Saïed que nous sommes vaccinés contre le Covid-19. Il l'a dit, redit et rappelé lors de son discours du 13 décembre, pour nous montrer que la pandémie nous aurait effacés de la surface de la terre s'il n'était pas intervenu. Nous lui serons éternellement reconnaissants, au nom du peuple tunisien, pour'avoir fait son travail. Dans la continuité de cette politique de lutte contre le Coronavirus, l'Etat tunisien a mis en place la pass vaccinal sauce tunisienne.C'est vrai que notre président est innovateur. Il a, à plusieurs reprises, évoqué les avancées de la pensée humaine qui permettent de sortir des carcans. Cette démarche a produit, chez Kaïs Saïed, des idées comme les sociétés citoyennes ou la gouvernance par les bases. Mais cet esprit d'innovation ne s'est pas élargi à cette histoire de pass vaccinal que nous commençons d'appliquer. Le décret N°1 du 22 octobre 2021 relatif au pass vaccinal est une copie de ce qui a été mis en place en France, en Allemagne ou ailleurs en Europe. A une différence près : les moyens de l'appliquer.

Mais avant d'en arriver là, il faut d'abord constater que nous avons été privés, en tant que société, d'une quelconque forme de débat autour de la question du pass vaccinal. L'Etat n'a consulté personne, ou presque, avant de pondre un pareil décret. Il s'agit de débats qui ont agité plusieurs populations et qui ont même justifié l'organisation de manifestations, même les Hollandais, censés pourtant être cool, sont sortis manifester contre certaines dispositions et contre leur éventuelle prolongation dans le temps. Chez nous, il faut dire que le débat, la contestation et l'argumentation sont assez mal vus depuis un certain 25-Juillet. Il suffit d'exprimer un désaccord pour que le président de la République vous traite devant des dizaines de milliers de personnes d'ivrogne, de diable ou même de virus. Pendant une pandémie mondiale en plus. Donc, des fonctionnaires, certainement pleins de bonnes intentions, ont concocté un décret qui aurait du mal à être appliqué même en Norvège, pour un pays à la confiance ébranlée en la gestion de la crise sanitaire par son exécutif. Quand, en plus, cet exécutif se résume à une personne, il y a de quoi nourrir certaines craintes.

Le fait de ne pas avoir eu ce débat, à quelque niveau que ce soit, a fait qu'aujourd'hui, marquant le début de l'application de ce pass vaccinal, c'est la panique. Des milliers de personnes n'arrivent pas à obtenir leur pass car le site Evax est saturé. Qu'est-ce que ce sera quand il s'agira de consulter tout un peuple sur un ensemble de questions dans une dizaine de jours ' Les professionnels de la restauration et les propriétaires de cafés vont continuer à payer le prix fort de cette pandémie puisque le fameux décret leur demande d'assigner une personne à la vérification des pass. Donc, non seulement ils vont perdre de la clientèle de façon mécanique, mais en plus, ils doivent y consacrer une ressource, et donc un salaire. Par conséquent, et en toute logique, ils ont annoncé qu'ils n'appliqueraient pas cette mesure, même si la sentence encourue est la fermeture pure et simple de leurs commerces. Si l'on s'arrête à l'énoncé du décret, on peut conclure que les banques, par exemple, les grandes surfaces et les structures assez conséquentes pourront s'organiser, même si elles verront toutes une baisse de la fréquentation. Mais qu'en est-il de la petite cafétéria du coin, ou du coiffeur du quartier ' Est-ce que ces gens-là sont censés faire leur métier ou faire la police à l'entrée de leurs locaux ' Est-ce que l'Etat lui-même est prêt à faire appliquer le décret en question ' Les hôpitaux, les structures publiques, La Poste, la Cnam, la CNSS, le service des mines, l'aéroport, les ports, les gares de transport terrestre et j'en passe. Toutes ces structures sont-elles prêtes à faire appliquer le pass vaccinal ' Avec quels moyens '
Nous n'avons même pas évoqué le droit dans toute cette affaire. Encore un débat de société dont nous sommes dispensés puisqu'on réfléchit pour nous dans les hautes sphères de l'Etat. Au nom de quel droit peut-on priver une personne d'aller acheter ce qu'il lui faut pour se nourrir, accéder à une structure pour se soigner, ou accéder à l'école pour s'éduquer ' Il s'agit de droits humains inaliénables dont la restriction nécessite au moins qu'on en parle à une large échelle. Non pas pour perdre notre temps, mais pour assurer autant que possible l'application de ce décret.

Aujourd'hui, premier jour de l'application du pass vaccinal, des milliers de Tunisiens se sont retrouvés privés du précieux sésame car il est devenu impossible d'accéder à la plateforme Evax depuis plus de 24 heures. Ils se sont aussi rendu compte que le sésame n'est pas tellement précieux, puisqu'un grand nombre de commerces, de cafés et même de gares routières ne vérifient pas ce fameux pass. Quand l'Etat pond une loi et que son application est dévolue à un tiers, c'est le résultat que l'on obtient. C'est ce qui était arrivé quand le port du masque était imposé par des circulaires : tout le monde s'en foutait.
La mise en place d'un décret pour organiser le pass vaccinal est une chose. Veiller à son application en est une autre. La réalité du terrain l'a encore démontré. Le pass vaccinal tel qu'imaginé par les autorités tunisiennes est tout simplement inapplicable. L'imposer par la force en faisant appel à la police par exemple n'y changera rien du tout, mais il ne faut pas attendre de réponse plus imaginative que cela de la part de nos gouvernants.
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