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Kaïs Saïed est le chef d'un parti, comme les autres


L'un des points les plus importants dans la dialectique présidentielle est de concentrer tous les maux du pays dans les partis politiques. Par leurs man'uvres, par leurs mensonges, ils ont arnaqué le peuple tunisien et ont provoqué ce qui est dépeint comme un chaos total depuis la révolution de janvier 2011. Toutefois, le président de la République, sous la dénomination de « campagne explicative », adopte les structures, le mode de fonctionnement et les objectifs d'un parti politique classique.
Le dictionnaire Larousse fournit deux définitions d'un parti politique. Il s'agit d'un « groupe de personnes réunies par une communauté d'opinion, d'intérêts ». C'est également une « organisation structurée dont les membres mènent une action collective dans la société aux fins de réaliser un programme politique ». Ces deux définitions collent prodigieusement à l'organisation appelée « campagne explicative » par le président de la République Kaïs Saïed et par ses soutiens.

Le candidat Kaïs Saïed s'était démarqué des autres concurrents politiques en affirmant qu'il n'avait pas de parti politique et qu'il n'était le président d'aucune structure. Il avait répété, à l'envi, qu'il était soutenu par un ensemble de jeunes volontaires qui étaient actifs sur le terrain et sur les réseaux sociaux. Ce sont eux, toujours selon les dires de Kaïs Saïed, qui l'ont accompagné lors de ses déplacements dans tout le pays. Déplacements au cours desquels il a écouté les revendications du peuple et où il a eu le loisir de leur expliquer sa vision pour le futur de la Tunisie, d'où le nom de « campagne explicative ». Mais si cette forme nouvelle d'organisation n'avait que pour but de faire accéder son favori à la présidence, son existence aurait dû s'arrêter au moment où Kaïs Saïed prêtait serment devant une assemblée qu'il gèlera sine die près de deux ans plus tard. Toutefois, ce n'est pas le cas.
Kais Karoui, Faouzi Daâs ou encore Boutheina Ben Kridis écument encore les plateaux télé et radio pour continuer à expliquer les intentions du président et ses vues notamment pour son grand projet de gouvernance par les bases ou le projet de sociétés citoyennes. Ils sont organisés derrière un leader, porteur d'un projet politique et ils tentent, notamment par les apparitions médiatiques, de mener une action dans la société, l'exacte définition d'un parti politique classique.

Le candidat Kaïs Saïed avait été longtemps moqué car il clamait fièrement ne pas avoir de programme préétabli à proposer au peuple. Il a également souligné à plusieurs reprises le fait de ne pas disposer de machine électorale et politique, le tout pour dresser son portrait de candidat hors système. Mais en réalité, cela a permis à Kaïs Saïed de ne pas utiliser de mots honnis et vomis par l'opinion publique tunisienne depuis bien avant les élections de 2019. Ce nouveau vocabulaire créé par Kaïs Saïed et propagé par sa « campagne explicative » lui a permis de ne pas utiliser les termes politiques conventionnels du genre « parti », « programme politique », « bureau politique », etc. Les mots choisis et la manière presque théâtrale avec laquelle ils sont prononcés ont fin de dresser le portrait et de créer la démarcation souhaitée avec les partis politiques classiques. Ce modus operandi a tellement bien fonctionné qu'il s'est poursuivi pour Kaïs Saïed président de la République. Tous les partis, qu'ils soient au gouvernement ou dans l'opposition, sont logés à la même enseigne en tant que structures créées pour confisquer la volonté populaire et la détourner au profit de quelques personnes. Tous les élus du parlement, qu'ils soient complices avec le pouvoir ou contestataires, sont sous le joug d'une punition collective qui ne prend pas la peine de distinguer entre corrompus et sincères. Kaïs Saïed le candidat a commencé par se placer en dehors du système pour pouvoir entrer dans la danse. Kaïs Saïed président se place au-dessus du système et condamne l'ensemble des partis et leurs représentants de manière expéditive et injuste.

Au final, le président Kaïs Saïed dispose d'un certain nombre de soutiens qui tentent d'expliquer sa démarche et surtout de lui trouver des justifications issues de la parole présidentielle. Il est important également de noter que le chef de l'Etat ne les a jamais évoqués et n'a jamais parlé des membres de sa « campagne explicative ». Si prompt, d'habitude, à lâcher ses « missiles » contre ses opposants et même ses soutiens, Kaïs Saïed laisse une multitude de personnes parler en son nom et expliquer son projet. Cela suppose que le président de la République valide leurs propos et autorise, tout du moins, cette démarche.
Kaïs Saïed condamne les partis politiques et leurs pratiques tout en agissant de la même manière et selon les mêmes mécanismes. La structure qui l'a amené à la tête de l'Etat n'a rien de différent d'un parti politique, avec en plus le dogmatisme et la personnalisation du leadership. D'ailleurs, plusieurs de ses anciens soutiens dans le cadre de la « campagne explicative » se sont organisés en parti politique après les élections, voyant que leur champion n'allait pas réaliser tout ce qu'il avait promis. Aujourd'hui, le plan de Kaïs Saïed est d'éliminer tous les corps intermédiaires d'une société moderne. Il a été aidé en cela par plusieurs corps de ce type, les uns par opportunisme croyant naïvement que l'ennemi du président de la République est le parti Ennahdha, les autres par simple lâcheté. Ils finiront, d'une manière ou d'une autre, par en payer le prix.
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